L’Armagnac, un fameux patrimoine

        l’Armagnac est la plus vieille eau de vie de France : la proximité de l’Espagne maure et sa civilisation «  al Andalus » permit autour de l’an mil de s’approprier les techniques de distillation venues de l’Egypte antique . Dans cette Gascogne où les Romains avaient implanté très tôt la vigne, les alambics connaissent de grands progrès. Les eaux de vie, tout d’abord utilisées pour leurs vertus thérapeutiques ( Jeanne d’Arc surnommée « l’armagnacaise » en donnait à ses soldats blessés), sont au 15ème siècle appréciées pour elles-mêmes, entrant désormais dans les plaisirs de la vie.

       Ce n’est pas seulement par son ancienneté que l’Armagnac peut revendiquer ce caractère de patrimoine mais aussi et surtout parce qu’il est un trésor d’une infinie richesse aromatique qui tient de la terre, du feu des alambics, de l’eau qui détrempe tout, du chêne tiré des côteaux tout proches, du temps qui révèle et accomplit… Nous rappelant à la glèbe, aux mains calleuses dont sont sortis tant de trésors, passeurs de temps ,vecteurs d’une civilisation qui fleure bon son terreau originel, ces eaux de vie raniment au fond de nous quelque chose d’ancestral , un peu enfoui mais bien vivant.

       Et comme tout patrimoine , il est aussi dispensateur de lien : que de bons moments partagés ! l’Armagnac est en Gascogne de toutes les fêtes et s’invite aux tables joyeuses où se célèbrent les évènements d’une vie, comme aux bruyants repas de chasse, « déliant les langues et aiguisant l’esprit , rappelant à la mémoire le passé et rendant l’homme joyeux au dessus de tout » selon le cardinal Vital Dufour (cf son traité de médecine de 1310).

       Et quel bonheur aussi de le déguster paisiblement dans les longues soirées où l’on savoure le plaisir d’être ensemble quand les échanges deviennent conversation, et les rêveries, méditation …

« Et leurs pensées prennent maintenant les couleurs tendres et indécises du crépuscule… »

Baudelaire, Le spleen de Paris