Cognac et Armagnac
Ces deux eaux de vie ont certes des parentés : distillation de vins blancs, proximité géographique, élevage en fûts de chêne, une histoire commune, cependant elles se distinguent , outre le terroir, par des modes de distillation et d’élevage relevant de conceptions très dissemblables.
Armagnac et Cognac, des univers contrastés
Dans les Charentes , le négoce fait la loi. Les grandes maisons de Cognac drainent une part écrasante de la production locale et commercialisent dans le monde entier.
La Gascogne est, pour une large part, un monde de producteurs indépendants commercialisant directement leurs armagnacs ; la production est atomisée. Les propriétaires-récoltants jouent un rôle majeur dans la production d’armagnacs millésimés ; l’Armagnac est une eau de vie d’auteur.
Une histoire commune
Jusqu’au début du XXème siècle la production d’Armagnac était acheminée vers les maisons de Bordeaux qui exportaient sous l’appellation Cognac des assemblages de Cognac et d’Armagnac.
C’est en 1909 , avec le décret Fallières – loi sur les appellations – qu’intervient formellement la distinction des appellations de Cognac et d’Armagnac .
L’arrière-pays gascon sans façade maritime active et sans grandes maisons de négoce s’effondre faute de débouchés ; les vignes sont massivement arrachées. Par contre, en Charente, le vignoble se développe considérablement et les grandes maisons de Cognac renouent avec la prospérité.
Les principaux cépages :
En Cognac, Le cépage utilisé à 98% est l’Ugni blanc. La régularité de sa qualité favorise la reproduction chaque année d’un cognac à peu près identique.
L’Ugni Blanc est bien utilisé aussi en Armagnac, mais plus de 35% des vins de distillation sont du Baco Blanc apprécié pour la complexité et la vigueur de ses arômes.
Des modes d’élaboration différents :
En Armagnac, un alambic à chauffe unique (cf. la distillation dans « un savoir-faire traditionnel »).
Pour le Cognac , un alambic « à repasse » : La double distillation produit des eaux de vie à fort degré 70°-71°et détruit certains esthers indésirables ; de ce fait, le Cognac arrivant sur le marché autour de 40° est fortement « réduit » , c’est-à-dire mélangé avec une quantité importante d’eau ; cette dilution implique nécessairement une correction de la couleur comme de la saveur.
Constance du Cognac, typicité de l’Armagnac
L’appellation Cognac, c’est un produit d’assemblage entre plusieurs années présentant une qualité constante en teinte, nez, bouche .
Tout l’art d’un producteur de Cognac est, à partir du nouveau vin, de créer un produit semblable : recherche de saveurs, de notes précises, pour parvenir à assembler les eaux-de-vie en un cognac où l’on retrouvera les mêmes arômes d’une année sur l’autre.
En Armagnac chaque millésime a sa personnalité propre : tout le travail du maître de chai est dans l’accompagnement de cette eau de vie, pour qu’elle délivre justement l’originalité de son potentiel aromatique. L’art du vieillissement consiste à conduire cette eau de vie vers sa pleine expression. D’où la grande diversité de ces eaux de vie millésimées. C’est le côté un peu fantasque de l’Armagnac qui cultive sa différence : les millésimes reflètent les spécificités d’un terroir, du climat de l’année, du savoir-faire du maître de chai…
On goûte dans le Cognac la qualité de l’assemblage, un produit générique et en Armagnac, la typicité d’une eau de vie.
Alain Dutournier, chef étoilé dans plusieurs grands restaurants à Paris
(le Carré des Feuillants ,2 étoiles au Michelin), un fervent amateur d’Armagnac.
photographe Maurice Rougemont
Malgré son déficit de représentation sur les marchés internationaux, et l’absence de grandes maisons-locomotives du secteur, l’Armagnac par son authenticité, son originalité qui n’ont pas été lissées par la grande distribution est beaucoup plus recherché aujourd’hui : ce spiritueux hors du commun retrouve un nouveau souffle.